Interview TIC SANTE

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Keenturtle présente à tic Santé, l’intérêt du logiciel doté d’IA « PharmaClass » pour aider le pharmacien clinicien à sécuriser la prise en charge médicamenteuse dans l’Interview de Sylvie LAPOSTOLE 

10/06/2022 – LILLE (TICsanté) – Le logiciel « PharmaClass », qui utilise l’intelligence artificielle (IA), aide le pharmacien clinicien à sécuriser la prise en charge médicamenteuse à l’hôpital, selon des communications présentées au congrès du Syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé (Synprefh) qui s’est tenu à Lille fin mai.

Les événements indésirables médicamenteux sont fréquents chez les patients hospitalisés alors qu’ils sont souvent évitables (à 60%).

L’analyse pharmaceutique des prescriptions permet d’éviter de nombreuses situations mais elle est très consommatrice de temps de pharmacien clinicien et peut s’avérer difficile à déployer complètement dans les grands établissements, d’où l’intérêt d’outils automatisés déclenchant une alerte sur un certain nombre de situations connues à risque.

L’intérêt des systèmes d’aide à la décision pharmaceutique (SADP) est qu’ils alertent en temps réel les professionnels de santé sur des situations à risque médicamenteux, a rappelé Laurine Robert du CHU de Lille dans une communication orale.

Cet établissement a adopté le système PharmaClass développé par la société française Keenturtle.

Ce logiciel aide à réduire les risques de iatrogénie médicamenteuse.

Au CHU de Lille, il a été introduit en production en juillet 2019 en complément de l’analyse pharmaceutique.

Une étude a été menée pour décrire l’apport d’un SADP pour alerter sur les effets indésirables médicamenteux dans la routine des pharmaciens cliniciens.

L’étude est monocentrique, rétrospective (de juillet 2019 à novembre 2021) et a porté sur 1.348 lits informatisés.

« Les règles implémentées dans le SADP ont été développées grâce à une équipe multidisciplinaire et sur nos 102 règles actives, 60 règles ont été créées pour alerter les pharmaciens cliniciens sur les situations à risque d’effets indésirables médicamenteux. »

Au cours des 29 mois, 2.955 alertes se sont déclenchées (environ 102 alertes par mois). Les principales alertes concernaient une hyperkaliémie avec un apport potassique (15,6%) et la présence d’un inhibiteur du système rénine-angiotensine en présence d’une insuffisance rénale aiguë (7,9%).

Les pharmaciens cliniciens ont réalisé une intervention pharmaceutique (IP) dans 31,3% des cas (925) dont les deux tiers (627) ont été acceptées par le médecin, soit 22 par mois.

Dans 21%, l’intervention a conduit à un changement de la prise en charge médicamenteuse et dans 18,3%, « le système nous a alertés, sans forcément intervenir auprès du médecin mais en renforçant la vigilance sur une possible situation à risque pour les heures et jours à venir », a-t-elle rapporté.

La non-conformité/contre-indication (332), les interactions médicamenteuses (211) et le surdosage (205) étaient les problèmes qui conduisaient le plus à une IP auprès du médecin.

L’arrêt d’un médicament a été l’action la plus souvent proposée par les pharmaciens (362), un suivi thérapeutique (122), une adaptation de posologie (120), un ajout (70), une substitution (70) ou des données manquantes (170).

Les événements indésirables médicamenteux sont toujours fréquemment retrouvés et plus de 20% des alertes déclenchées ont conduit à un changement dans la prescription afin de prévenir un évènement indésirable.

« C’est bien un outil sentinelle », même s’il ne faut pas oublier que l’on ne détecte que ce que l’on a mis dans l’outil, a noté Laurine Robert.

Cette étude montre l’intérêt des SADP comme outils complémentaires détectant en temps réel des situations à risque d’événements indésirables médicamenteux dans la routine des pharmaciens cliniciens, a-t-elle estimé.

Il y a une nécessité de développement pour affiner les spécificités des situations détectées. Il est prévu d’y ajouter la fréquence cardiaque et la pression artérielle, a-t-elle commenté.

Une optimisation de l’utilisation est aussi à faire sur les données manquantes.

L’avantage majeur de cet outil informatique, c’est que ça alerte en temps réel (avant que le pharmacien se penche sur les ordonnances à analyser) et cela offre un gain de temps sur une situation à risque.

C’est aussi l’intérêt qu’a vu Christian Skalafouris des hôpitaux universitaires de Genève (HUG) avec le système d’aide à la décision clinique (SADC) PharmaCheck dont il a évalué la performance sur des séries rétrospectives.

Le résultat sort en 2 minutes pour 500 patients, a-t-il chiffré.

Une équipe du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph a présenté en communication affichée son expérience d’un système d’aide à la décision médicale (SADM) développé en interne combinant IA et règles métier en vie réelle en comparant une première période pendant laquelle l’analyse pharmaceutique était faite sans l’outil (pour 3.050 patients, 20.586 lignes de prescriptions et 1.053 IP formulées) à une 2e période avec le SADM (3.415 patients, 23.721 lignes, 1.527 IP formulées).

Sans SADM, l’analyse pharmaceutique conduit à une IP tous les 3 patients et toutes les 20 lignes de prescription.

Avec SADM, l’analyse pharmaceutique mène à une IP tous les 2 patients et toutes les 15 lignes de prescription.

« Le SADM utilisé en vie réelle a des résultats similaires aux études exploratoires menées auparavant. Son utilisation permet une priorisation efficace de l’activité d’analyse pharmaceutique (+30% d’efficience) », indique l’équipe.

Cette priorisation a permis de mieux déployer l’expertise pharmaceutique pour des patients très à risque d’erreur en développant d’autres activités de pharmacie clinique pour ces patients (conciliation médicamenteuse, entretiens pharmaceutiques).

Une autre équipe de l’hôpital Bicêtre au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne, AP-HP) a rapporté qu’elle arrivait aussi à plus d’IP après ses premiers jours d’utilisation de l’outil PhramaClass.

Une quarantaine d’établissements équipés

Première solution innovante d’aide à la décision clinique personnalisée et contextualisée, PharmaClass est en cours de déploiement dans 16 établissements portant à 43 le nombre d’établissements sécurisés par cette solution, a indiqué à APMnews/TICsanté François Versini, directeur général de Keenturtle.

Elle est très implantée en Belgique et Suisse. En France, sont équipés les CHU d’Amiens, Nancy (avec le centre hospitalier de Lunéville, Meurthe-et-Moselle) et Lille, ainsi que le CH d’Armentières. L’hôpital Saint-Joseph à Marseille est aussi client, a-t-il listé.

Le CH de Valenciennes, un des premiers clients, a arrêté son contrat pour développer une solution concurrente, PharmIA. Keenturtle a un partenariat avec l’AP-HP pour une étude médico-économique.

PharmaClass apporte une nouvelle valeur sur le marché d’aide à la décision clinique par sa capacité à détecter des risques propres à chaque patient (paramètres physio-biologiques), souligne la société.

Sylvie Lapostolle

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